Sur les traces de (23) ... La Suze
mardi 1er novembre 2022, par
En 1795 une fabrique d’absinthe est créée à Paris (elle va devenir la distillerie Rousseau et Laurens) située rue Quincampois à proximité de la distillerie Moureau. En 1875 les 2 distilleries fusionnent et un transfert progressif de l’entreprise sera effectué à Maisons-Alfort, 10, quai d’Alfort.
C’est en 1882 que le fils d’Alphonse Moureaux, Fernand Moureaux intègre l’entreprise à 19 ans. C’est lui qui va développer l’entreprise grâce à son génie commercial et la collaboration du personnel. Il va créer et encourager de multiples actions à caractère social qu’il financera le plus souvent personnellement.
F. Moureaux a l’idée de créer un produit que l’on peut appeler apéritif hygiénique, une boisson, non à base de vins comme la majorité des apéritifs de l’époque mais, fabriquée en distillant des racines de gentiane, grande fleur aux pétales d’or, baptisée « reine des montagnes », qui pousse en Auvergne et dans le Jura.
Les racines tordues, lourdes et longues, serpentent profondément dans le sol rocailleux. On ne peut les arracher qu’avec un outil spécial à deux longues dents, « la fourche du diable ».
En 1904 : l’entreprise occupe 40 ouvriers et employés, non compris les courtiers, à la fabrication de l’absinthe, des liqueurs et sirops de toute nature. Sa principale spécialité consiste dans la gentiane Suze, apéritif tonique à base de gentiane fraîche du Jura. Cet établissement dispose d’une machine de 25 chevaux, d’un moteur hydraulique actionnant les rinceuses mécaniques, et possède, pour ses transports, 12 chevaux et 7 voitures. Ses affaires se font pour les 3/4 à Paris et dans le département de la Seine et, pour le reste, en province et à l’étranger.
L’industriel Henri Porte entre dans l’affaire vers 1906. Il dessine la fameuse bouteille ambrée, d’une contenance d’un litre, et lance les premières campagnes publicitaires de la Suze.
Aux deux entrepôts existant à Paris, 15, rue Quincampoix et 2, rue Mazagran, s’ajoutent, en 1912, ceux de Lyon, Bordeaux, Marseille puis celui de Lille.
Dans les bâtiments, le laboratoire de Maisons-Alfort, bénéficie d’une installation moderne. Le conditionnement dispose d’une salle de mise en litre automatique ce qui permet à l’entreprise d’être performante. Des techniques d’avant-garde, pour l’époque, sont réunies pour obtenir le maximum tant en production qu’en qualité tout en songeant au confort du personnel.
Dans les années 30, nouvelles extensions à Lille, Rouen, Tours, Moulins et Toulouse. Le dépôt de Bruxelles est supprimé momentanément, celui de Tours est ouvert.
En 1933, la Suze assure la livraison à domicile à sa clientèle dans presque toute la France par son propre service d’automobiles comprenant plus de 100 camions (en 1934 : plus de 140). Les usines et entrepôts disposent de 44 alambics de 1100 litres chacun, de 220 foudres et cuves pour un volume de 3 000 000 de litres (en 1936 : 52 alambics et 250 foudres et cuves).
Ces chiffres montrent la progression constante de l’entreprise.
« Fabriquer davantage et toujours mieux pour vendre plus ». Ce défi devient difficile, les bâtiments sont trop exigus.
F. Moureaux achète les terrains alentour pour y construire des magasins et des bureaux. Il décide aussi de modifier la façade des anciens bâtiments. La construction de la nouvelle façade (1934-1935) est confiée à l’architecte Paul Fenard. Elle est décorée par une frise où sont sculptés les noms et armoiries des villes dans lesquelles la Distillerie la Suze possède des usines ou des entrepôts.
On peut encore voir aujourd’hui le nom des 10 villes qui ont, en France, participé avec le personnel et l’encadrement, à la notoriété de la marque. Les armoiries de Genève et Bruxelles sont également représentées.
D’inspiration « Art-déco », témoignage de l’architecture industrielle novatrice des années 30, la partie centrale de la façade, la tour et sa couverture sont inscrites à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1993.
Sous sa direction éclairée, l’affaire prend un essor considérable donnant aux actionnaires des dividendes atteignant jusqu’à 25 %. Environ 200 personnes travaillent alors sur le site de Maisons-Alfort.
Dans les années 40, la distillerie produit d’autres apéritifs, des digestifs, des liqueurs et commercialise d’autres marques.
F. Moureaux, âgé de 77 ans en 1940, abandonne la présidence du conseil d’administration de la Suze. Après sa mort, en 1956, l’entreprise périclita en quelques années sous la direction d’un administrateur mal inspiré.
En 1960, la distillerie est rachetée par Pernod mais garde sa marque.
En 1969, la direction générale de la SA Pernod est encore située aux « Anciens Établissements la Suze », 11, avenue du Général Leclerc. >
La distillerie quitte ensuite la commune de Maisons-Alfort dans les années 1970 pour s’installer dans le nouveau complexe ultra-moderne de la « Pernoderie » de Créteil.
Enfin, c’est le regroupement de deux géants : nouvelle dénomination par décision de décembre 1974, « Pernod-Ricard ».
Mais d’où vient le nom Suze ? Selon certains, « Suze » serait un diminutif de Suzanne, la sœur de Fernand Moureaux, selon d’autres, la formule de cet apéritif aurait été achetée en Suisse et le vendeur aurait dit, montrant une petite rivière : « vous verrez que cet apéritif coulera en France comme la Suze à nos pieds ».
*** Marcelle AUBERT co-fondatrice du musée de Maisons-Alfort ***
Texte extrait de la brochure "Maisons Alfort:Le Commerce et l’Industrie " n°7 d’Octobre 1996
– Balade avec les arracheurs de gentiane
– Balade à Maisons-Alfort
– Balade en province
– Balade dans les cartes publicitaires illustrées par A. Guillaume
– Balade dans les cartes publicitaires de La Suze
– Livret publicitaire sur Suze
– Livret publicitaire "étude sur la Gentiane"
– Livret publicitaire sur les vertus de la racine de Gentiane
Pour aller plus loin
– Le tableau d’André Roz - Arracheur de gentiane dans le Haut-Jura, 1929
– Le tableau de Picasso - Verre et bouteille de Suze
– Album de dessins de A. Guillaume avec préface de G. Courteline
– Publicité de Richard Gotainer - Suze (Inimitable)
– L’ORIGINE de la SUZE : un vrai sujet de CONTROVERSE